Après un début de carrière prometteur en France, Youssef a décidé de tout plaquer pour vivre plus sereinement sa religion. Il a finalement trouvé, par la grâce d’Allah, un meilleur poste dans un meilleur endroit, Abu Dhabi.
Avant le départ :
Peux-tu nous parler brièvement de ton parcours ?
J’ai eu un diplôme d’ingénieur en génie électrique et ensuite j’ai doublé cela par une dernière année d’études supérieures en management. J’ai commencé à travailler en France en tant qu’ingénieur de site où je m’occupais des infrastructures (installations électriques) pour le compte d’un opérateur bancaire. J’ai fait ça pendant deux ans dans une petite société.
Ensuite je suis parti dans une grande entreprise pendant quatre ans parce que la petite société pour laquelle je travaillais venait de se faire racheter par ce groupe d’investisseurs. J’ai pu être promu suite à ce rachat en occupant le poste responsable de contrat puisqu’ils recherchaient pour manager des contrats des profils avec un master 2 dû au fait que ce poste incorpore les aspects humains et financiers au-delà de l’aspect technique. J’ai pu me prouver que en plaçant sa confiance en Dieu il est possible d’appliquer les valeurs de notre belle religion et avoir du résultat au travail en ayant un management juste… dans les grandes entreprises l’humain est laissé au détriment du chiffre.
Par la suite toujours en restant dans le domaine électrique et en restant sur Lyon j’ai changé d’entreprise pour avoir des compétences dans les travaux car auparavant c’était plutôt du maintien des infrastructures. Je gérais des projets de travaux de la conception d’installation à la mise en service. Voilà pour ce qui est de mon parcours avant les Emirats.
Tu étais bien en place, pourquoi avoir voulu partir ?
L’aspect religieux, ça a été la première chose qui m’a poussé à partir de la France. Pouvoir pratiquer ma religion librement. Ensuite la qualité de vie puisqu’ici je gagne mieux, ici on te juge selon tes performances et non selon ta religion ou ton faciès comme c’est le cas en France. En France, quand on est musulman et en plus arabe, noir… il faut en faire 10 fois plus même si on est né dans le pays, qu’on est Français et qu’on paie nos impôts…
Et pourquoi les Emirats ?
Je visais la région, Emirats, Qatar, Bahrein et puis Allah m’a facilité cette voie vers les Emirats.
J’avais des opportunités en Suisse ou ailleurs en Europe mais j’ai préféré privilégier la religion. Professionnellement, j’avais tout ou presque mais il me manquait cette tranquillité d’esprit par rapport à ma religion.
Puis ici c’est cosmopolite, c’est motivant et tous les pays musulmans ne sont pas aussi mélangés dans la population qui y vit.
Enfin, je parlerai aussi de la sécurité qu’il y a ici. La liberté pour moi passe par la sécurité.
Et est-ce que tu avais une préférence sur un des Emirats ?
Non, j’ai trouvé un boulot à Abu Dhabi mais j’avais également postulé sur Dubaï. Pas sur les autres émirats parce qu’il y a moins d’opportunités dans mon domaine mais voilà, j’avais beaucoup postulé sur Abu Dhabi et Dubaï. J’avais eu des bons contacts sur Dubaï mais le feeling est mieux passé avec l’employeur sur Abu Dhabi.
Et comment as-tu fait pour t’informer sur le pays avant ta venue ?
Alors, je me suis renseigné en allant sur des sites comme le tien, en lisant ce que les frères disaient de la vie ici, etc. Puis, je suis venu en éclairage pour voir la réalité du terrain. Cela n’a fait que confirmer mes bonnes impressions : quand tu viens, tu te rends compte qu’au-delà de tout le nécessaire qui est fait pour la pratique de la religion, le pays est dans le futur et qu’il n’y a pas que le pétrole mais qu’ils investissent dans beaucoup de domaines. Donc en termes de perspectives professionnelles c’est assez rassurant.
L’installation :
Tu es là depuis combien de temps et comment s’est passé l’installation ?
Alors, je suis là depuis février 2022 et pour l’installation je dirai comme un peu tout le monde. C’est un peu compliqué avec les papiers, j’ai été en appart hôtel pendant deux mois. Heureusement, c’était pris en charge par mon employeur. Vraiment, c’est important d’avoir son ID rapidement pour changer son permis, prendre un appart, ouvrir un compte bancaire… Mais une fois qu’on a l’ID, c’est assez facile de s’installer, ouvrir l’eau, l’électricité tout ça, c’est pas compliqué.
Le quotidien aux Emirats :
Et que dirais-tu du coût de la vie à Abu Dhabi par rapport à la France ?
Je pense qu’il faut comparer Abu Dhabi à Paris car ce sont des capitales. Effectivement, Abu Dhabi est cher comparé aux autres villes des Emirats. Par contre, les salaires sont plus importants également. La vie est plus chère mais tu es mieux payé donc ça s’équilibre.
Après, comparé à Paris, je pense que le quotidien en dehors du logement est plus cher ici mais encore une fois ici tu peux gagner deux ou trois fois ton salaire de France donc au final si tes courses sont 50€ ou 100€ plus chères, tu t’y retrouves largement !
Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi aux Emirats ?
Le manque de la famille et les fortes chaleurs. Là ça commence à monter mais au final c’est une chose sur laquelle on peut s’adapter.
Et qu’est-ce que tu aimes le plus ?
La religion, le respect qu’il y a entre les gens et la sécurité.
Est-ce qu’il est facile de rencontrer des frères français à Abu Dhabi ?
Oui, j’en ai rencontré par le biais du travail mais également dans ma résidence. Et chacun te présente celui qu’il connait donc au final ça fait rapidement un groupe d’amis. On se voit régulièrement et ça permet de ne pas être seul.
Est-ce qu’il y a un lieu en particulier que tu aimes beaucoup ?
La corniche d’Abu Dhabi. Quand j’étais en France je la regardais beaucoup sur internet et là j’aime y aller, c’est dépaysant. Et je dirai également la mosquée Cheikh Zayed. J’aime y aller le matin ou au coucher du soleil, c’est agréable.
Vie professionnelle et conseils :
Est-ce que tu peux nous parler de ta recherche d’emploi ?
Beaucoup sur LinkedIn. J’ai énormément postulé. Après souvent quand je n’étais pas retenu, c’est parce que j’étais moins expérimenté ou parce qu’ils voulaient des compétences plus spécifiques sur un seul domaine. Mais ça m’a permis de créer du lien avec des recruteurs ensuite ces recruteurs m’ont enregistré dans leur base de données et à chaque fois qu’il y avait des opportunités, ils me contactaient. Il y a aussi Indeed qui marche plutôt bien mais je pense que LinkedIn c’est la meilleure vitrine sur le net pour être mise en valeur facilement. Et puis se renseigner sur les cabinets de recrutement en local pour pouvoir les contacter, envoyer des CV parce qu’ici tout marche par réseau.
Combien de temps ça t’a pris pour trouver un travail ?
Une bonne année. Au départ c’était juste un projet après je me suis réellement lancé, j’ai retravaillé mon CV, je l’ai mis en anglais. Ça ne sert à rien les CV en français. Puis les entretiens ne sont qu’en anglais même si on bosse pour une entreprise française… Donc voilà, ça a mis à peu près un an.
On ne se décourage pas pendant un an ?
C’est vrai que j’ai eu des moments de doute, je ne vais pas le cacher, mais je me suis rattaché à la religion avec les différentes histoires de nos prophètes qui ont eu des difficultés bien plus grandes dans leur vie et en restant attachés à la religion, ils y sont arrivés par la grâce d’Allah. Puis quand tu cherches depuis 6 ou 7 mois ce serait dommage de tout abandonner. Ça aurait été comme détruire une maison que j’étais en train de construire… Parfois j’arrivais au bout du process de recrutement et je n’étais pas pris alors que je cochais toutes les cases.
Ce que je peux conseiller aux frères et sœurs c’est de faire des doua’, j’en faisais beaucoup et j’essayais de prendre du recul quand je postulais et que ça ne marchait pas. Au début je n’avais aucune réponse, j’ai pris du recul et j’ai refait mon CV. Je pense que c’est important de bien mettre en avant ses compétences dans le CV et de bien le mettre en forme.
Après la personne peut faire les causes pour les Emirats et qu’Allah lui facile ailleurs parce que c’est cela qui est le mieux pour elle. Dans tous les cas, il faut toujours faire les causes. Une entretien qui ne donne rien peut par la suite être la cause du départ. Je connais quelqu’un qui était à fond sur les Emirats, il a pas été pris sur plusieurs postes en arrivant au bout des process et vu qu’il laissait toujours une bonne impression, au final il y a un recruteur qui l’avait pas pris sur un poste mais l’a recontacté quelques semaines sur un autre poste, ce recruteur l’a aidé à trouver un post à Bahrein vu que ça ne prenait pas aux Emirats… Il ne faut jamais perdre espoir en Allah.
Et au quotidien dans ton travail, qu’est-ce que ça change de le faire ici plutôt qu’en France ?
Au niveau du management ici c’est plus directif. Les gens sont travailleurs et respectent énormément la hiérarchie. En France, j’avais un souci de management parce que j’étais jeune et là-bas manager des anciens ça ne passe pas forcément alors qu’ici, comme je l’évoquais, le respect se ressent dans le travail parce que je peux manager un ancien mais il va respecter la hiérarchie même si je suis plus jeune. Les clients également savent plus ce qu’ils veulent, et sont précis. Par contre, vu qu’il y a plus de moyens, le niveau d’exigence est plus élevé. Ils veulent du résultat rapidement et vu qu’il y a de la concurrence, on doit quasiment être irréprochable.
Et par rapport à la religion ?
Ici la religion c’est la religion et tout est mis en avant pour pouvoir pratiquer sa religion convenablement même au travail. Quand c’est l’heure de la prière c’est l’heure de la prière.
Pour finir quel conseil donnerais-tu à nos frères qui hésitent encore à faire la Hijrah ?
Je leur dirais de ne pas se décourager et qu’à chaque question qu’ils ont, de ne pas chercher le problème mais la solution. T’as pas les moyens ? Alors qu’est-ce que tu fais pour les avoir… T’as pas l’anglais ? Alors qu’est-ce que tu fais pour avoir, etc. Il faut travailler pour ses objectifs et il faut placer sa confiance en Allah, se renseigner, regarder les vidéos et les témoignages des frères parce que ça aide à se motiver. Entrer en contact avec un frère sur place pour essayer de discuter et enlever la peur de l’inconnu qu’on peut avoir sur un nouveau pays. Ce n’est pas facile de quitter le pays où on est né, fin de tout quitter mais il n’y a pas de réussite sans sacrifice. Je terminerai avec ça, si on ne fait aucun sacrifice alors on ne peut pas réussir.
Merci pour cet entretien Yousef.