Bien souvent, le chemin le plus court vers les terres d’islam est celui ramenant vers son pays d’origine. Nouveau témoignage d’une hijrah aux Comores.
Avant le départ :
Peux-tu nous parler de ton parcours avant de faire la Hijrah ?
J’ai terminé mes études niveau master, j’ai travaillé quelques temps puis je suis allée vivre un an à l’étranger. A mon retour en France je me suis mariée quelques temps plus tard et par la suite j’ai eu mes enfants Allahuma barik. Depuis je suis mère au foyer.
Qu’est-ce qui t’a motivé à partir ?
Avant de me marier, mon mari et moi avons parlé de notre souhait de faire la Hijrah sur du court/moyen terme dans notre pays d’origine qui est les Comores. Cependant, les aléas de la vie, le quotidien ont fait que nous avons laissé les années passer sans vraiment organiser cette Hijrah. Ce qui a été un vrai déclic c’est que nous ne voulions absolument pas mettre nos enfants en école publique française et les nouvelles lois françaises ne nous permettaient plus de faire l’école à la maison comme nous le faisions. Nous avons donc pris la décision d’organiser notre Hijrah pour les Comores.
Pourquoi avoir choisi ce pays plutôt qu’un autre ?
Parce que mon mari et moi sommes originaires de ce pays donc nous avons la nationalité comorienne, ce qui est plus facile pour tout le côté administratif. Nous avions aussi la possibilité de vivre chez ma mère qui a une maison et nous permettre de ne pas louer de maison.
Par quel biais t’es-tu informée sur le pays avant de partir ?
Par moi-même car j’ai déjà été aux Comores pour des vacances donc j’avais une bonne idée des réalités du pays. Par des membres de ma famille également. Par les groupes WhatsApp Hijrah Comores également.
Est-ce que c’est facile de s’y installer (administrativement parlant) ?
Très simple pour une personne qui est originaire des Comores. Il suffit de faire sa carte d’identité et son passeport soit à l’ambassade des Comores en France, soit aux Comores directement. Pour les personnes qui n’ont pas la nationalité, il faut payer un visa.
L’installation et le quotidien :
Comment se sont passés ton installation et tes premiers mois ?
L’installation s’est bien passée, un peu compliqué niveau communication car je ne parle pas la langue mais beaucoup de personnes parlent le français. Sinon il faut se préparer à vivre une vie complètement différente d’une vie dans des grandes villes françaises.
Qu’est-ce qui t’a semblé le plus dur en arrivant ?
En dehors de la barrière de la langue avec certaines personnes, je dirais les codes et les habitudes des locaux lorsqu’on vit dans un même quartier. Il faut savoir qu’ici les personnes sont très attachées aux coutumes et traditions du pays.
Le coût de la vie te semble-t-il plus élevé ou moins élevé que la France ?
Plus élevé qu’en France. Nous vivons sur une île qui ne produit pas beaucoup donc la plupart des denrées et autres produits sont importés. L’électricité et le gaz sont également très chers comparés à la France.
L’offre de santé est-elle « rassurante » (infrastructures, qualité des praticiens, coût…) ?
Une de mes plus grandes appréhensions était la santé. L’offre est rassurante, il y a de nombreux professionnels dans le privé (cabinet, clinique). Cependant, il y a tout de même certaines spécialités qui n’existent pas ici et pour tout ce qui est grosses opérations chirurgicales, les hôpitaux ne sont souvent pas appareillés pour opérer.
Pour les prix dans le privé les consultations varient entre 10 et 15€ en moyenne.
As-tu des enfants ? Si oui, comment se sont-ils adaptés à la vie là-bas (quotidien, climat, langue, école s’ils y vont, etc.) ?
Mes enfants étaient petits à notre arrivée et ils se sont très bien adaptés à la vie aux Comores. Les écoles sont francophones donc il n’y a pas de problème de langage.
Quels sont les principaux avantages pour eux liés à leur vie là-bas selon toi ?
Le fait de pouvoir prier à l’heure même lorsqu’ils sont scolarisés. Être libre de commencer à se voiler dès le plus jeune âge. Ici l’apprentissage coranique est très encouragé et valorisé dès le plus jeune âge.
Est-il facile de vivre sa religion au quotidien ? Est-il facile/possible d’apprendre la science sur place ?
Oui il est facile de pratiquer sa religion au quotidien.
Pour ce qui est de la science religieuse, cela est plus compliqué. Il y a certains étudiants qui donnent des cours dans des mosquées mais ce n’est pas très répandu.
Aujourd’hui, qu’est-ce que tu aimes le moins dans ta vie là-bas ?
Le cout élevé de la vie ici. Pour faire des économies, il est important d’être autonome en électricité (panneaux solaires) et le plus possible en nourriture (pêche, aller aux champs, faire un potager…). Cela demande un vrai investissement personnel.
Le fait qu’il y ait quasi pas de loisirs/activités (qui soient conformes à notre religion) pour les enfants et adolescents.
Qu’est-ce que tu aimes le plus ?
Les paysages, la nature, les plages. Le rythme de vie qui est très apaisant et sans stress. Être libre de pratiquer sa religion et de pouvoir transmettre l’éducation que je veux sans concession à mes enfants. Le climat ici il y a 2 saisons : la saison des pluies et la saison sèche mais toute l’année les températures sont chaudes.
As-tu un endroit particulier que tu aimes énormément ?
J’aime passer des moments à la plage en famille. Ici la plupart des plages sont dessertes en matinée.
Être une femme là-bas :
Les gens sont-ils tolérants vis-à-vis de l’habillement/la pudeur des femmes (niqab, jilbeb, etc.) ?
Oui, très tolérants, il n’est pas rare de voir des femmes en niqab tenir certains commerces (stand au marché, boutique). De plus en plus de sœurs portent des jilbebs, abayas khimar. Cela est très populaire ici.
Le comportement général vis-à-vis des femmes est-il respectueux (pudeur, sécurité, etc.) ?
Je dirais oui et non. Être voilée, porter le niqab n’est pas un frein pour certains hommes de parler ou de se comporter de manière complaisante. Mais de manière générale, il n’y a pas de problème de sécurité ou autres pour les femmes, peu importe leurs tenues.
Est-il facile de trouver tous les commerces dont une femme (et un couple) a besoin (habillement, hygiène, décoration d’intérieur, éducation/jeux éducatifs pour les enfants etc.) ?
Oui, le choix reste très limité en comparaison avec la France ou d’autres pays musulmans mais il est facile de trouver tout cela. Exception faite pour les jeux éducatifs, cela se trouve difficilement ou pas du tout.
Quelques conseils :
Enfin pour finir, quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient venir vivre là-bas ?
De bien se renseigner sur le pays avant, les habitudes, les coutumes… Faire un vrai travail sur soi concernant le mode de vie. Il y a des coupures d’électricité qui peuvent durer longtemps selon les régions. Il peut y avoir des pénuries de certains aliments pendant certaines semaines… Avec l’habitude on s’accommode mais il faut se préparer.
Pourrais-tu nous donner deux ou trois raisons de faire la Hijrah là-bas plutôt qu’ailleurs ?
Il fait bon vivre, la vie y est tranquille et sans stress. C’est un pays qui est quand même préservé, les locaux aiment la religion d’Allah.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient faire la Hijrah mais qui hésitent encore ?
De ne pas attendre d’être prêt à 100% car au final on ne sera jamais vraiment prêt. Il y aura toujours des imprévus, des choses inattendues. S’en remettre à Allah et si la Hijrah se fait en famille, être dans la communication car les évènements peuvent être vécus de manière différente.
Qu’Allah te préserve.