Adnane : Une installation hors du commun !

Si l’expatriation est grandement facilité par le fait de trouver du travail. Il n’en reste pas moins que l’aventure peut se révéler plus mouvementée que prévu. Voici le récit captivant de la hijrah d’Adnane aux Emirats.

Avant le départ :

Peux-tu nous parler de ton parcours (ou le parcours familial) avant de venir vivre aux Emirats ?

Je suis né en France de parents marocains. J’ai étudié en France jusqu’à l’obtention de mon master. J’ai développé une certaine motivation pour le voyage depuis le collège mais je n’étais malheureusement pas assez assidu dans les cours de langue.

À l’obtention de mon master et toujours dans l’optique d’acquérir des expériences à l’international, j’ai décidé de faire deux séjours linguistiques en Angleterre et au Canada. Cela m’a permis de développer mes compétences en anglais, Al hamdoulilah.

Après ce petit break, j’ai repris le travail dans l’entreprise où j’ai effectué mon alternance car à travers son implantation à l’international, j’étais persuadé qu’une opportunité s’offrirait à moi. Un an passa avant que cette opportunité se présente. On me donna l’occasion de m’occuper de la construction du métro du Panama. Al hamdoulilah, je conservais déjà des bases d’espagnol de mon cursus scolaire et je les ai combinées à des cours du soir pour approfondir mon vocabulaire et montrer ma motivation à l’entreprise.

Quelques mois avant mon départ, Allah m’a facilité la rencontre de mon épouse. Je me suis marié et nous sommes partis ensemble en septembre 2021 au Panama. Nous y sommes restés un an et demi et sommes revenus malgré nous en France à la fin de la construction du métro. Non sans réel changement car hormis l’expérience exceptionnelle de vivre dans un pays avec une culture différente, nous avons vécu la magnifique expérience d’avoir un enfant né au Panama.

Dès mon retour en France, mon objectif était clairement de partager avec mon entreprise et je voulais repartir à l’étranger, cette fois-ci en précisant le Moyen-Orient ou le Maroc.

Qu’est ce qui t’a motivé à partir ?

Lors de mon retour en France après mon expérience au Panama, j’ai vraiment ressenti la différence. Ayant un enfant, je suivais l’actualité et constatais le climat difficile et le nombre croissant de lois limitant la pratique de notre religion de manière convenable (comme l’interdiction pour une maman voilée de participer à des sorties scolaires avec les enfants ou l’introduction de la théorie du genre dans le programme scolaire). Plus le temps avançait, plus ma motivation de partir se renforçait.

Pourquoi avoir choisi les Emirats plutôt qu’un autre pays ? Et pourquoi Sharjah plutôt qu’une autre ville des Emirats ?

Parce que c’est aux Emirats que j’ai eu une opportunité de travail. Initialement, j’envisageais d’habiter à Dubaï étant donné que mon lieu de travail s’y trouve. Plusieurs raisons m’ont poussé à choisir Sharjah :

  • La proximité avec mon lieu de travail, malgré le trafic important. Mon lieu de travail se trouve à moins de 8 km de mon lieu de résidence à Sharjah.
  • La dimension religieuse. Bien que Dubaï soit musulmane, lors de mes visites, j’ai observé une majorité de personnes occidentales et en visitant certains appartements à Sharjah, j’ai constaté une préservation plus marquée au niveau de la pudeur. Culturellement, Sharjah est également plus conservateur que Dubaï, répondant davantage aux attentes de ma famille.
  • Une autre raison à ne pas négliger est le coût de la vie. Pour un confort de vie équivalent, je devais payer au moins deux fois plus cher à Dubaï qu’à Sharjah.

Par quel biais tu t’es informé sur le pays avant de venir ?

Une bonne majorité des informations m’ont été communiquées par un frère que l’on appelle Abu Maryam. Je t’invite à jeter un coup d’œil à ses réseaux, où tu trouveras beaucoup d’informations utiles sur la Hijra au Moyen-Orient. D’autres informations m’ont été transmises par l’entreprise qui m’a proposé le poste, concernant le fonctionnement du contrat, du pays, etc. J’ai également effectué des recherches sur Internet à travers différents sites.

L’installation, vie professionnelle et quotidien :

Comment s’est passée ton installation puis tes premiers mois aux Emirats ?

Pour résumer, ce fut comme des montagnes russes. Je suis arrivé très enthousiaste et motivé pour débuter cette nouvelle expérience. À mon arrivée, j’avais prévu 10 jours de vacances avant de commencer mon nouveau travail. Cependant, j’ai rencontré quelques problèmes administratifs et ces 10 jours se sont transformés en plus d’un mois.

Donc, j’ai passé plus d’un mois à devoir vivre de mes propres moyens sans salaire et en organisant un déménagement. C’était une période assez compliquée, mais al hamdoulilah, nous l’avons aujourd’hui traversée.

Au début du contrat, nous avons entamé les démarches pour l’appartement, ce qui n’était pas une mince affaire. Beaucoup de patience était nécessaire dans ces moments. Une fois le contrat de travail obtenu et mon travail commencé, j’ai dû attendre ma carte d’identité émiratie pour pouvoir signer mon contrat de location et cela a duré encore un mois supplémentaire où j’étais encore à l’hôtel avec une voiture de location.

Une fois les péripéties de l’acquisition de l’appartement terminées, que j’ai réuni tous les documents, il fallait maintenant payer tous les frais pour emménager (3 mois de loyer en avance, dépôt de garanti, l’électricité, le gaz, les frais de service… environs 24 000AED soit 6000 euros). Nous avons commencé à meubler notre appartement en faisant le tour des magasins. Cela s’est avéré plutôt rapide.

Ensuite, reprise des documents administratifs pour le sponsor de la famille (femme + enfant). J’ai fait le tour de nombreux centres Amer, Happiness Center et chacun avait une version différente de la procédure. Ici, j’ai l’impression qu’un jour sur deux ils changent les procédures et j’ai été victime de ce système.

En raison du retard du contrat, des procédures prolongées pour recevoir l’Emirats ID et la location, ma femme et ma fille étaient encore en visa touriste. Ainsi, une fois les 3 mois terminés, il fallait qu’elles sortent du territoire et qu’elles rentrent. Le centre Amer m’informait que je pouvais me rendre en voiture et traverser la frontière d’Oman et il me suffisait de sortir et de rentrer pour renouveler le visa.

Je décide donc d’aller passer une journée à Oman à 2h30 de voiture avec ma femme et ma fille. Cependant, à ma grande surprise, en arrivant là-bas le douanier m’informe que ce n’est plus possible depuis quelques mois et que si je sortais, ma femme et ma fille n’auraient pas le droit de rentrer. Nous avons donc fait demi-tour à Dubaï directement au centre Amer mais la personne m’ayant conseillé cette option n’était plus là. La personne m’ayant accueilli m’a informé qu’en effet, seuls les vols fonctionnaient pour renouveler le visa touristique.

Le soir même, je prends donc un billet aller-retour pour Bahreïn afin d’y passer 24h et de revenir à Dubaï avec 3 mois supplémentaires pour finaliser le sponsoring de ma famille. Nous y allons donc et avons notre retour à Abu Dhabi à 22h.

L’aller se passe très bien mais au retour, lorsque nous arrivons à la douane, on nous informe que ma femme et ma fille ne peuvent pas rentrer dans le territoire et maintenant il faut qu’elles restent en dehors du territoire de Dubaï pendant au moins 3 mois pour qu’elles puissent rentrer en touristes. Il était 23h, nous étions fatigués, mais j’essayais tant bien que mal de rester positif et qu’une solution pourrait être trouvée. Il m’était impossible d’imaginer prendre un aller simple pour ma famille pour partir en France et moi rester à Dubaï seul pendant 3 mois. Je demande à voir des responsables et on me fait passer d’un bureau à un autre. Nous avons visité tout l’aéroport d’Abu Dhabi 6 fois et, croyez-moi, il est très grand.

Arrivé à 2h du matin, je suis dans un bureau au fin fond de la douane avec ma fille qui dort dans la poussette et mon épouse épuisée sur un banc. J’essaie de négocier en lui expliquant ma situation, que je suis en contrat de travail et que ce n’est qu’une question de jours pour que je reçoive mes documents pour le sponsoring de ma famille. Après plus d’une heure d’échanges, il me dit que je peux acheter une extension pour 1500 AED (375 euros)  par personne soit l’équivalent de 750 euros environ pour 1 mois de visa touristique. À ce moment, je suis tellement soulagé et je commence à voir la lumière au bout du tunnel. Je procède au paiement, il tamponne et m’accompagne à la sortie de l’aéroport pour trouver un taxi. Tout s’est passé en 5 minutes, il est presque 3h du matin et je ne comprends pas pourquoi ils ne m’ont pas tout de suite proposé cette solution. Mais al hamdoulilah, le principal est que je sois sorti avec ma famille. Quelques jours après, j’ai enfin mon rendez-vous au consulat pour certifier les documents, visite médicale pour mon épouse et quelques semaines après, ma fille est officiellement sponsorisée.

Qu’est ce qui t’a semblé le plus dur en arrivant ?

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :  Imen : "Un départ ça se prépare"

Je dirais l’administration qui n’a pas de réelle règle comme détaillé précédemment et les nombreuses dépenses liées au déménagement et à l’installation.

Le coût de la vie te semble-t-il plus élevé qu’en France ?

En comparaison global pour la famille, je dirais oui mais cela varie beaucoup selon la situation de chacun.

En ce qui concerne la nourriture ici, si tu achètes local, cela te coutera beaucoup moins cher qu’en France, cependant pour mon expérience personnelle venant de France. J’ai encore l’habitude de produits français, j’ai beaucoup fait les courses à Carrefour et les produits français sont logiquement plus chers qu’en France.

Cela dépend aussi des enfants. Ici l’école n’est pas gratuite donc sauf si l’entreprise prend en charge cela (ce qui est relativement rare), il faut prendre en compte ce détail important.  

Cela dépend aussi si tu as besoin et si tu roules en voiture ou pas et tes fréquences de sorties.

Quel est ton métier ?

J’occupe un poste de Design coordinateur.

Comment as-tu trouvé ce post et comment se sont passées les étapes liées au recrutement ?

Je l’ai trouvé vraiment par persévérance. J’ai ajouté les contacts de toutes les personnes que je trouvais pertinentes et qui travaillaient dans mon domaine de compétences et dans les entreprises que je visais. Principalement sur LinkedIn et postulant sur le site des entreprises (plus de 150 candidatures).

C’est en envoyant mon CV à une personne qui ne travaille pas directement dans mon domaine de compétences mais qui est directeur financier dans une entreprise que j’avais dans le collimateur que les choses se sont débloquées. Il m’a répondu par message LinkedIn en me demandant de transmettre le CV au DRH de l’entreprise. J’ai directement fait cela dans la soirée.

Sans nouvelles au bout d’une semaine, j’ai relancé le DRH et également le directeur financier en lui faisant part du fait que j’avais transmis le CV mais que je n’avais pas reçu de retour. Trois jours plus tard, il m’envoie son adresse e-mail et me demande de lui envoyer mon CV pour en discuter avec le DRH.

La semaine suivante, j’ai reçu un appel d’une RH et nous avons programmé un entretien. Une semaine plus tard encore, j’ai eu un entretien avec le responsable technique et quelques jours après cela, j’ai reçu une proposition de poste, al hamdoulilah.

Aurais-tu des conseils à donner à ceux qui cherchent un emploi dans la région ?

Il faut savoir que j’ai tout de même ajouté plus de 150 personnes et pour chacune, j’essayais d’adapter au mieux mon message en adéquation avec le besoin de l’entreprise. J’ai essuyé une trentaine de refus et plus d’une centaine de messages qui sont restés sans retour.

Il se trouve que c’était une personne différente de mon domaine de compétences qui m’a ouvert la porte avec l’aide d’Allah azwjl.

Quelles sont les différences au quotidien dans le fait de faire ce boulot depuis les Emirats plutôt que depuis la France ou ailleurs ?

La plus grande différence est que nous sommes dans un pays musulman, avec une salle de prière dans notre bâtiment. Au bout de quelques mois, je croisais mon manager dans cette salle de prière et il facilitait beaucoup l’organisation des réunions en dehors des horaires de prières.

Malheureusement, aujourd’hui il est parti et il y a une majorité de francophones non musulmans dans l’entreprise mais la pratique religieuse m’est beaucoup plus facile qu’en France, Al hamdoulilah.

Ici je suis également des cours de religion en présentiel et cela m’est très agréable.

Quel âge a ton enfant ?

Elle a 2 ans.

Comment s’est-elle adaptée à la vie ici ?

Il n’y a pas eu beaucoup de sujets abordés car elle ne nous dit pas tout ce qu’elle pense encore haha. Mais elle est née au Panama et lorsque nous étions en France, je travaillais en déplacement, chaque week-end nous faisions en moyenne 3 heures de route. Donc, je pense que trouver une stabilité va lui permettre de trouver ses repères.

Quels sont selon toi les principaux avantages pour elle liés à sa vie ici ?

L’avantage qui n’est pas encore exploité par son petit âge serait les langues, avec l’arabe et l’anglais, inchaAllah. Cela étant, il y a beaucoup de choses faites pour les enfants, des crèches à tous les coins de rues, des logements avec des building équipés de salles de jeux dans le building et d’une piscine.

Aujourd’hui, qu’est-ce que tu aimes le moins dans ta vie ici ?

Je dirais les difficultés financières, je ne me remets pas encore de mon déménagement et des péripéties coûteuses lors de mon installation.

Une chose aussi est la proximité avec la famille. C’est toute une organisation pour aller visiter la famille ou pour qu’ils viennent nous rendre visite.

Qu’est-ce que tu aimes le plus ?

La vue d’une très jolie mosquée depuis mon balcon. Le sentiment de sécurité tous les jours.

As-tu un endroit particulier que tu aimes énormément ? 

Difficile d’en choisir un seul mais très récemment j’ai découvert Zaabel park où il y a de beaux jeux pour enfant, de l’ombre et de la verdure et cela est très apaisant.

Enfin, quels conseils donnerais-tu à ceux qui aimeraient venir vivre aux Emirats ?

À la suite de mon expérience personnelle, je recommande vivement de prévoir un budget pour la première année de la hijra, couvrant des aspects tels que le visa, le logement, l’ameublement et la voiture. Chacun a son approche ; certains prônent l’investissement total et la confiance en Allah, mais personnellement, surtout si vous avez des enfants, je conseille une approche plus mesurée. Prenez le temps d’étudier attentivement si le pays de destination est vraiment adapté à une hijra, assurez-vous de mettre en place des moyens de subsistance concrets, tout en gardant confiance en Allah.

Le niveau de vie aux Emirats est plus élevé que dans certains pays et il y a ceux qui passent par d’autres destinations plus abordables financièrement, se forment et développent leurs projets avant de venir ici. En somme, je recommande d’adopter une approche modérée. Les Emirats sont plus accessibles qu’on ne le pense, surtout si une vie simple vous suffit. Cependant, il est essentiel d’étudier votre projet en tenant compte du coût de la vie élevé par rapport à d’autres pays musulmans.

Ayez confiance en vos objectifs, persévérez et avec l’aide d’Allah, les opportunités qui seront bonnes pour vous viendront à vous.

Qu’Allah te préserve.

Laisser un commentaire