En tant que musulman, La Mecque est bien plus qu’une simple ville. Y aller au moins une fois dans nos vies est une obligation pour quiconque en a les moyens. Y retourner plusieurs fois est forcément un rêve pour celui qui y est déjà allé. Que dire alors d’y vivre ! Voici donc un témoignage exceptionnel d’un couple de français vivant sur la terre sacrée de La Mecque.
Avant le départ :
Pouvez-vous nous parler de votre parcours avant de faire la Hijrah ?
Avant d’entamer notre Hijrah vers l’Arabie, nos chemins respectifs étaient bien différents. Je vivais au Maroc tandis que mon mari résidait aux Émirats. Ce n’était pas notre première expérience à l’étranger et chaque destination avait sa propre histoire.
Qu’est-ce qui vous a motivé à partir ? Et pourquoi avoir choisi ce pays ?
La principale raison qui nous a poussés à quitter la France était, avant tout, une conviction religieuse liée à son obligation. La Hijrah n’est pas simplement une migration physique mais aussi une démarche spirituelle.
Elle représente un engagement à vivre dans un pays qui se rapproche davantage des préceptes de l’Islam.
Toutefois, le choix initial de nos destinations respectives (le Maroc pour moi et les Émirats pour mon mari) a été largement influencé par des opportunités professionnelles.
Quant à notre décision de nous établir en Arabie, elle n’était en aucun cas fortuite. Mon mari a été attiré par une opportunité professionnelle ainsi qu’un projet alhamdullillah dans ce pays et à la suite de notre union, j’ai choisi de le rejoindre.
Est-ce que c’est facile de s’y installer (administrativement parlant) ?
En ce qui concerne le processus d’installation en Arabie, je dirais que c’est une expérience similaire à celle de s’installer dans n’importe quel pays étranger.
Bien que cela puisse sembler compliqué au premier abord, avec les bonnes informations et une préparation adéquate, le processus devient plus gérable.
Comme partout, il y a des démarches administratives à suivre et il est essentiel d’anticiper et de se préparer à ces exigences pour faciliter la transition.
L’installation et le quotidien :
Comment s’est passée votre installation et les premiers mois ?
L’installation s’est déroulée très facilement. Entre l’excitation de notre nouvelle vie, trouver un logement, réaliser ma première Omra, profiter des Haramain et découvrir Makkah, tout était nouveau et passionnant.
Qu’est-ce qui vous a semblé le plus dur en arrivant ?
La chaleur m’a surprise au début mais on s’adapte rapidement. Et également le fait de devoir comprendre le dialecte saoudien et s’habituer au riyals.
Le coût de la vie vous semble-t-il plus élevé ou moins élevé qu’en France ?
C’est relatif. Bien qu’il y ait des produits moins chers, certains, surtout les importés, sont plus chers.
Globalement, je dirais que le coût de la vie est un peu moins élevé qu’en France ou pareil selon son mode de vie.
Pouvez-vous nous donner une idée des frais de courses, de santé, de logement, de la scolarisation en primaire/collège ?
Courses : Pour un couple, notre budget est d’environ 400€/mois sans se priver. Après c’est relatif car ça dépend du mode de vie et des habitudes.
Santé : Les soins sont payants. Bien qu’il y ait une assurance, elle ne couvre pas toujours tout. Une consultation chez le médecin coûte environ 20/25€. Après, selon les complications, ce sera plus cher. Ici tu ressens qu’il n’y a pas la sécurité sociale.
Logement : Selon le quartier et la ville, les prix peuvent être plus ou moins chers. Pour un appartement de trois chambres, les prix varient entre 300 et 800 euros. Il faut voir si c’est neuf, les commodités autour, etc. En fait, il y en a pour tous les budgets. Après, forcément, moins tu paies cher, moins ce sera neuf et plus le quartier sera populaire ou éloigné, etc.
Scolarisation : L’école publique est gratuite tandis que les prix des écoles privées varient en fonction de leur renommée. Je ne connais pas vraiment les prix des différentes écoles.
Est-il facile de vivre sa religion au quotidien ?
Oui, très facile. L’appel à la prière résonne cinq fois par jour et il y a des mosquées à chaque coin de rue. Vivre sa religion est naturel ici, surtout à Makkah.
Et est-ce que c’est facile d’y apprendre la science religieuse ?
Oui, il existe de nombreux cercles d’études (markaz) dédiés à l’apprentissage.
Pour les hommes et les femmes, il y a des cours au haram (il faut s’inscrire au mahad) sinon les hommes peuvent assister aux assises. Pour les femmes quant à elles, c’est plus compliqué pour écouter au haram avec le monde.
Sinon il y a des rencontres avec les savants dans différentes mosquées ainsi que des cours hebdomadaires.
Il existe de nombreux programmes pour l’apprentissage du Coran (tahfiz) pour tous les âges que ce soit hommes ou femmes.
Par contre, apprendre l’arabe peut être plus compliqué sinon il faut venir avec un visa étudiant pour pouvoir être inscrit dans les universités et apprendre l’arabe.
Aujourd’hui, qu’est ce que vous aimez le moins dans votre vie là-bas ?
Il y a parfois des incivilités, comme des déchets laissés dans les parcs ou sur les routes. C’est vraiment dommage. La conduite également, ce ne sont pas toujours des as du volant.
Qu’est-ce que vous aimez le plus ?
Sans hésitation, le haram à Makkah et le haram à Médine. Cette proximité des lieux sacrés mais également la richesse culturelle et l’hospitalité des habitants.
Avez-vous un lieu particulier que vous aimez énormément ?
Forcément se retrouver devant la Kaaba.
Quel serait votre top 3 des villes pour l’installation en Arabie Saoudite (hormis les villes sacrées) ? Et pourquoi ?
Djeddah, pour sa proximité avec la mer. Riyad, Al Khobar et Dammam pour les opportunités professionnelles.
Le Top 3 pour du tourisme (hormis les villes sacrées) ? Et pourquoi ?
Abha, pour ses montagnes et son climat agréable. Umluj, pour ses plages magnifiques. Najran, pour son riche héritage historique.
Vous y êtes depuis longtemps, quelles sont les évolutions positives que vous constatez depuis toutes ces années ?
L’ouverture du pays sur le monde et le développement des infrastructures.
Les Français sont-ils nombreux dans la ville, le pays ?
Les Français sont relativement peu nombreux en Arabie comparé aux autres nationalités étrangères. On les retrouve surtout à Makkah, Médine avec beaucoup de familles étudiantes sinon Riyad et un peu à Jeddah.
L’affluence des périodes du hajj ou du ramadan est-elle « éprouvante » sur certains points pour des résidents comme vous ou, au contraire, agréable ?
Oui, c’est « éprouvant », surtout à cause de la circulation.
Cependant, c’est aussi touchant de voir autant de musulmans converger vers un seul endroit.
Est-il facile de faire le hajj pour les résidents ?
Pas nécessairement. Nous devons nous inscrire et payer via Nusuk hajj.
Toutefois, le coût est moindre car nous sommes déjà sur place.
Enfin, pour terminer avec cette partie, avez-vous une anecdote surprenante/drôle que vous n’auriez pu vivre « que » là-bas à nous partager ?
Lors de mon arrivée, la police religieuse était encore très présente. Je me rappelle avoir entendu des jeunes en face de notre résidence jouer au foot pendant l’heure de l’appel à la prière et la police les encourageait à aller à la prière par les hauts parleurs de la voiture en disant « ya abdallah salat salat » !
Les enfants sont vite partis courir à la mosquée. C’était émouvant et cela me manque. C’était un grand bien quand ils étaient très présents, qu’Allah fasse que cela soit à nouveau le cas.
Drôle ? Ah, le mot « malich » ! L’une de mes premières et les plus mémorables expériences a été liée à ce terme.
Un jour, en marchant, une femme m’a accidentellement bousculée. Au lieu de l’habituel « excuse-moi », elle m’a lancé un rapide « malich ».
Sur le moment, j’étais un peu perdue et franchement surprise. Et puis, cela s’est reproduit.
Encore une fois, après m’avoir légèrement poussée, elle m’a dit « malich ».
J’étais à la fois étonnée et agacée, me demandant pourquoi cette femme utilisait ce terme après m’avoir bousculée.
Quand j’ai retrouvé mon mari, je lui ai raconté en disant : « Elle me bouscule et puis elle me dit juste malich ! »
Mon mari a éclaté de rire avant de m’expliquer qu’en Arabie Saoudite, « malich » est une façon polie de dire « excuse-moi ».
C’était assez drôle car venant du Maroc, pour moi « malich » avait une connotation complètement différente, c’était plus comme « ce n’est pas grave ! ».
Une belle leçon de linguistique et de culture en direct ! lol
La vie professionnelle :
Les démarches professionnelles (recherche d’emploi/création de société) ont-elles été compliquées ?
La recherche d’emploi dépend fortement du secteur et des qualifications.
En ce qui concerne la création d’une entreprise, cela peut être plus complexe. Surtout, bien connaître les démarches car il est essentiel de comprendre les lois, les régulations locales et le « Wakil » (représentant) du pays pour naviguer dans certaines des procédures bureaucratiques.
Est-ce que dans le cadre de votre/vos activités pro, la présence dans ce pays est un atout ?
Absolument. Être sur place permet de mieux comprendre la culture d’affaires locale, d’établir des relations et de tirer parti des opportunités économiques offertes par le pays.
De plus, la vision de l’Arabie Saoudite 2030 ouvre de nombreuses portes pour les investisseurs et les professionnels.
Avez-vous des conseils pour ceux qui cherchent du travail ou aimeraient ouvrir une société en Arabie ?
Réseautage : Utilisez votre réseau pour vous connecter avec des professionnels locaux et des expatriés qui peuvent vous donner des conseils. Sinon, recherchez via des plateformes de recrutement dans votre domaine.
Langue : Bien que l’anglais soit couramment parlé dans les milieux d’affaires, apprendre quelques phrases en arabe peut aider à établir des relations.
Recherches : Familiarisez-vous avec les lois locales, en particulier si vous envisagez de créer une entreprise.
Quels sont les secteurs les plus recherchés ? Les secteurs où les français ont le plus de possibilités d’être recrutés ?
Le Plan Vision 2030 a ouvert des opportunités dans de nombreux secteurs tels que l’énergie renouvelable ou encore la technologie. Donc il y a aura de nombreux postes à pourvoir.
Les secteurs traditionnels comme le pétrole et le gaz, la santé et l’éducation sont toujours en demande.
Les Français, en particulier ceux ayant une expertise technique ou une expérience dans la gastronomie, peuvent trouver des opportunités attrayantes.
Mais n’oubliez pas qu’en Arabie, avec un passeport français, ça sera les diplômes et l’expérience qui primeront. Sinon il faut investir et venir avec des projets.
Les réseaux sociaux :
Où est-ce qu’on peut vous suivre ?
Vous pouvez me suivre sur Instagram sous le pseudonyme « @lifestylesaudia » sur les différents réseaux Pinterest, Facebook, TikTok et YouTube même si nous y sommes moins actifs.
On a également notre blog où nous partageons plus en détails nos expériences et nos conseils.
Que peut-on trouver comme informations sur votre site et vos différents réseaux ?
Sur le blog, nous partageons des articles détaillés sur la vie quotidienne, les démarches administratives et les merveilleuses découvertes en vivant en Arabie Saoudite et sur les haramains.
Sur les réseaux sociaux, idem ainsi que les dernières infos du pays.
Quel conseil donneriez-vous à ceux qui n’osent même pas rêver d’y vivre ?
Commencez par vous renseigner. Plus vous en apprendrez sur le pays, sa culture, son peuple et ses opportunités, plus votre rêve prendra forme.
Chaque grande aventure commence par un premier pas et il est souvent plus facile de sauter le pas lorsque vous êtes bien informé et préparé.
Avant toutes choses, demander à Allah, faire des invocations, venir et profiter du visa touriste pour voir en personne le pays, les opportunités, rencontrer des personnes.
Faire les causes et patienter. Vivre ses propres expériences car nous sommes tous différents. Ce n’est pas parce qu’untel a fait ainsi ou a trouvé des difficultés dans cela que ce sera la même chose pour vous.
Il est bien et important de se renseigner, prendre conseil mais vivez vos propres expériences.
Pourriez-vous nous donner quatre ou cinq raisons de faire la Hijrah là-bas plutôt qu’ailleurs ?
Proximité spirituelle : Vivre près des villes sacrées est une expérience incomparable.
Opportunités économiques : Avec la Vision 2030, l’Arabie Saoudite ouvre ses portes à de nouvelles initiatives et de nouveaux investissements.
Mélange de tradition et de modernité : C’est un pays où vous pouvez vivre une expérience culturelle authentique tout en ayant accès à des commodités modernes.
Sécurité : Le taux de criminalité est relativement bas, ce qui offre un environnement sûr pour les familles.
Apprendre : Quel meilleur endroit pour maîtriser la langue du Coran qu’en Arabie Saoudite ?
Enfin quels conseils donneriez-vous à ceux qui aimeraient faire la Hijrah de manière générale (peu importe le pays) mais qui hésitent encore ?
Faites vos recherches : Plus vous en savez, moins vous aurez de surprises.
Parlez à ceux qui ont déjà fait la Hijrah : Leurs expériences peuvent vous éclairer sur ce à quoi vous attendre.
Préparez-vous mentalement et émotionnellement : La Hijrah, tout comme tout changement majeur, peut être un défi mais elle est également enrichissante.
Faites confiance à Allah : Les obstacles seront là mais ils sont souvent suivis d’immenses récompenses et d’apprentissages.
La patience et ne pas oublier que c’est une obligation, Allah ne vous abandonnera pas !
Ne pas attendre et se préparer sérieusement un minimum.
Merci, qu’Allah vous préserve.