De La Réunion à l’hexagone, de la France aux Comores, des Comores à l’Egypte, de l’Egypte aux Comores et enfin des Comores aux Emirats. Abu Aïcha, son parcours et ses convictions vis-à-vis de cette adoration qu’est la Hijrah.
Avant le départ :
Peux-tu nous parler brièvement de ton parcours ?
Je suis votre frère Abu Aïcha, français d’origine comorienne. J’ai grandi à la Réunion une vingtaine d’années. J’ai eu mon bac à la Réunion et j’ai entrepris des études dans la comptabilité avec un BTS puis une licence que j’ai obtenu à la Réunion. Ensuite, je suis parti en métropole, j’ai intégré une école de commerce spécialisée en finance pour faire un master en finance, audit et contrôle.
C’est là où, spirituellement, il y a eu des changements. On a décidé de quitter la France avec mon épouse dès 2014.
Pour quel pays ?
On est parti aux Comores, ça tombait avec un stage de fin d’études que j’ai pu faire là-bas. Ensuite, on s’est installé directement là-bas dans la capitale à Moroni. Mais finalement, début 2015, on est parti en Egypte où on a fait presque 3 ans. J’ai pu étudier l’arabe dans différents centres au Caire, à Merkez Badr et à Soubk Al Ahad, découvrir le minhaj avec les frères et les savants, définir nos objectifs surtout d’un point de vue religieux.
Après, avec le manque de la famille, la distance et le début de certains problèmes administratifs en Egypte, on a décidé de retourner aux Comores. Donc fin 2017, on est revenu aux Comores et là j’ai travaillé dans l’administration.
Puis j’ai monté mon business, une entreprise de commerce avec mon épouse pendant deux ans.
Je me suis rendu compte qu’il y avait des frères qui voulaient étudier l’arabe mais qui n’avaient pas les moyens de partir donc bénévolement j’ai commencé à donner des cours d’arabe. Ça se passait bien, les frères évoluaient et la demande devenait de plus en plus forte al hamdulillah. Cela m’a plu, j’ai donc eu à ce moment-là un déclic et j’ai décidé de vraiment enseigner la langue arabe pour les non arabophones débutants.
Et pourquoi tu es reparti des Comores ?
En parallèle de l’enseignement, j’ai eu un poste en tant que directeur commercial et c’est là où vraiment l’envie de partir est venu. La situation économique aux Comores devenait difficile avec le virus qui arrivait… Mais on ne savait pas vraiment où aller et c’est vraiment l’année où on est parti, donc fin 2020, qu’on s’est dit qu’on partirait aux Emirats.
Et pourquoi ne pas être retourné à La Réunion ?
La Réunion c’est mieux que la France métropolitaine, il n’y a pas photo. Il y a l’adhan, il y a beaucoup de musulmans et il n’y a pas vraiment de frontière entre les cultures et les nationalités. Mais ça reste la France avec les lois françaises. La manière de vivre est mieux et l’environnement est mieux mais c’est la France.
Et puis aussi cette proximité entre les communautés, cet amour qu’il y a entre les religions… ça crée une forme de laxisme et d’ambiguïté.
Enfin, La Réunion c’est petit et les tentations sont grandes. Il y a des sectes mais également au niveau de l’habillement des femmes et toutes ces choses-là…
Mais je conseille à mes frères qui n’auraient pas d’autre solution pour quitter la France d’y aller. La Réunion c’est mieux que la métropole.
Ok et pourquoi avoir choisi les Emirats ?
Aux Comores on se sent bien parce qu’il y a cette proximité avec la famille mais on sentait que niveau religion c’est difficile, il n’y a pas de savants là-bas. On n’évoluait plus.
En fait, on a stagné un petit peu niveau religion donc on s’est dit qu’il faut repartir en Egypte mais là-bas c’était difficile pour nous de se poser professionnellement et au niveau des papiers.
Donc on s’est dit qu’il faut qu’on vise un pays où on va être stable au niveau professionnel et au niveau administratif mais également un pays où on aura un lien avec notre pays d’origine.
Les Emirats c’était l’idéal… Les Comores et Dubaï c’est une grande histoire d’amour, c’est connu, donc on s’est dit qu’on allait venir ici.
Et comment tu t’es informé sur les Emirats avant de venir ?
Au moment de partir en Egypte, on n’avait pas visité le pays, au moment de retourner aux Comores c’était pareil et au moment de venir ici aux Emirats également.
Allah nous a facilité. Après j’étais en contact avec un frère qui commençait des démarches pour l’administration, les papiers tout ça et ça nous a motivé à partir. En fait, on voyait que ça se passait bien pour lui, on a commencé à mettre de côté pour avoir le budget.
On n’avait pas des économies conséquentes mais on avait un moyen de revenus mensuels car j’enseignais l’arabe dans plusieurs organismes en ligne et en privé. C’est-à-dire qu’on savait que si on arrivait ici, on n’aurait pas des économies d’un an mais qu’Allah allait nous faciliter pour trouver des revenus qui consolideraient les revenus mensuels qu’on a déjà.
L’installation :
Est-ce que tu peux nous raconter tes premiers mois ici ?
On a fait une semaine à Dubaï puis un mois à l’hôtel à Sharjah dans le quartier où je vis maintenant. C’est un quartier cosmopolite et moi j’aime beaucoup ça, voir des afghans, des pakistanais, des indiens, des africains, etc.
Bref, quand on était à l’hôtel à coté, on cherchait des logements mais on ne trouvait pas donc on est parti à Ajman pendant un mois. On a cherché là-bas mais ça ne nous plaisait pas. Ensuite on a été pendant trois semaines dans un studio entre Sharjah et Ajman.
Mais on voulait vraiment Sharjah. Donc on est revenu sur Sharjah faire des visites mais on ne trouvait pas, puis il y a eu un bâtiment qui venait d’être livré et finalement les prix et la qualité étaient au rdv, Al HamdouliLlah.
On a pris un T2 à 23500 AED l’année (environ 489€/mois) avec un mois offert. C’est un quartier où il y a tout, moi je n’ai pas de voiture mais je peux vivre parce qu’il y a tout ce dont on a besoin à proximité, commerces, pharmacies, etc.
Cliquez pour découvrir toutes les modalités liées à la prise d’un logement aux Emirats.
Et qu’est ce qui t’a semblé le plus dur ?
Alors moi vraiment la difficulté que j’ai ressentie c’est le manque d’information. On est un peu livré à nous-mêmes en arrivant. Celui qui a beaucoup d’argent pourra prendre des services pour l’aider mais celui qui a un budget limité, il va falloir qu’il bouge de partout.
En plus, moi je ne faisais pas confiance aux gens au début car ce sont des milliers d’euros qui sortent dans les démarches. Donc voilà, le manque d’information et le temps que ça prend du coup.
Le quotidien aux Emirats :
Que dirais-tu du coût de la vie aux Emirats ?
Le coût d’installation, il est élevé aux Emirats pour tout le monde. Une fois que tu es installé, que tes démarches sont faites, que tu as ton logement, je pense que les loyers sont pareils qu’en France avec une meilleure qualité ici.
Au niveau de la nourriture, de l’habillement, etc. c’est moins cher ici qu’en France sauf si une personne veut uniquement les produits de Carrefour, le gruyère, le fromage etc.
Pour moi il y a la santé qui est cher, le transport également, la communication aussi mais l’eau, l’électricité et le gaz par exemple ça me semble moins cher.
Je ne pourrais pas te donner vraiment de budget par mois pour un couple sans enfant. Mais je pense qu’autour de 1000 euros on peut s’en sortir ici à Sharjah. Après, une personne va te dire qu’il te faut 2000 minimum, ça va dépendre de ta façon de vivre…
Et quel est le point négatif pour toi au quotidien ?
Franchement, je ne vois pas trop, tellement je vois le positif.
Peut-être le coût des soins…
Après je dirai qu’il n’y a pas la même proximité avec les frères comparé à l’Egypte. Je pense que c’est dû aux occupations. Ici les frères ont pas mal d’occupations. En Egypte, pour te citer un exemple, quand un frère déménageait, il se mettait à la sortie de la mosquée et il trouvait 10 frères pour aller l’aider. Après c’est peut-être parce que je suis dans un quartier où il n’y a pas beaucoup de français…
Ah également ça manque de snack français haha…
Ok et qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton quotidien ici ?
La religion, les savants, les mosquées, le comportement des gens, l’amour des gens pour le gouverneur… Je trouve que le voisinage est exceptionnel. Beaucoup d’informations que j’ai eu pour mes démarches sont venues de mes voisins. Quand tu rentres de la mosquée et que tu trouves beaucoup de tes voisins devant l’ascenseur parce qu’ils sortent également de la mosquée, c’est un bienfait immense.
Tout le monde a sa place ici. Je pense qu’il faut une préparation yani il faut un billet pour l’installation et une bonne préparation. Définir pourquoi on vient. Tu peux avoir quelqu’un qui vit les mêmes choses que toi mais qui a finalement une mauvaise image du pays parce que son objectif était différent.
Est-ce qu’il y a un endroit en particulier que tu aimes beaucoup ?
La mosquée King Faisal. Je pense que c’est l’une des mosquées les plus anciennes de Sharjah. J’aime beaucoup avec le blue souk en face et le grand parc. C’est vraiment reposant surtout pendant le ramadan. Sinon la corniche également.
Vie professionnelle :
Quel est ton travail ici ?
Je suis enseignant d’arabe littéraire en ligne et je suis en pleine réflexion pour commencer à donner des cours en présentiel à des groupes de 4 ou 5 personnes à partir de 11 ans du niveau débutant au niveau avancé, avec vraiment beaucoup de pratique et d’oral. J’essaye de mettre ça en place pour Juillet / Août In Sha Allah donc ce sera de l’arabe littéraire avec des tarifs très accessibles pour nos frères et leurs enfants. Il y aura aussi des cours spéciaux pour les enfants concernant le bon comportement, les invocations, etc.
Pour plus de renseignements, le frère Abu Aïcha est joignable au +97165220437 (uniquement pour les frères) et également sur son site : Apprendre l’Arabe aux Emirats.
Dans le cadre de ton activité, est-ce que c’est un atout pour toi de vivre ici ?
Je ne peux pas te répondre vu que je n’ai pas exploité cela localement comme je suis prof d’arabe qu’en ligne mais un frère m’avait suggéré cela. Yani de profiter de mon côté arabe-francais mais dans l’autre sens. En enseignant le français aux Emiratis… Après j’entends que ça marche tout ce qui est cours privé mais ce n’est pas quelque chose que j’ai expérimenté.
Sinon, personnellement c’est profitable d’être ici parce que je parle arabe tous les jours avec les voisins etc.
Cliquez pour découvrir mon article « 5 raisons de faire la Hijrah aux Emirats »
Ses conseils :
Qu’est-ce que tu dirais à quelqu’un qui veut travailler comme professeur de langues ici aux Émirats ?
Alors, pour une personne qui n’est pas encore ici, je lui conseille vraiment de concrétiser sa formation avec des diplômes. C’est très important, notamment s’il veut enseigner l’arabe. Il faut venir avec un diplôme, c’est très important. Parce que même si tu as l’expérience mais que tu n’as pas de diplôme, c’est un frein pour postuler dans une école. Ça va plus être des cours à domicile. Ça marche bien, c’est bien payé mais voilà, s’il veut se poser avec un contrat etc., mieux vaut être diplômé.
Autrement, si la personne n’a pas de compétences particulières, elle peut toujours se lancer dans le commerce ou les services. Yani chacun peut trouver sa place ici mais il faut aimer ce qu’on fait.
Avec tous tes voyages, quel serait ton conseil pour la hijrah ?
La première des choses c’est la sincérité vis-à-vis d’Allah et de beaucoup revenir aux parcours de ceux qui nous ont précédés parmi les pieux lors de la hijrah.
La hijrah c’est un sacrifice. Pas forcément d’argent ou de confort mais c’est un sacrifice par exemple le fait de laisser la famille ou ce genre de choses…
Donc il faut que tu saches pourquoi tu fais ça et quelle rétribution tu attends parce que la rétribution ce n’est pas selon l’acte mais bien selon l’intention.
Si tu as la bonne nia et que tu tombes, tu sais que tu as fait ça pour Allah et ça va te donner de la force pour encaisser les coups durs et rebondir rapidement.
Pour ceux qui sont mariés avec des enfants, je les encourage également à préparer leur famille, à éduquer leur foyer avant le départ. Dans notre religion, beaucoup de choses sont permises mais il faut faire attention financièrement, il faut être un bon gestionnaire parce qu’ici c’est un pays où l’argent part très vite. Il y a des gens qui s’en sortent très bien et se contentent de peu et d’autres qui vont trop loin par rapport à leurs moyens limités.
Après, comme partout il peut y avoir des coups durs donc il faut être prêt pour cela, il faut se rappeler que dans ce bas monde, on est de passage et même aux Emirats il peut y avoir des coups durs… Quoi qu’il en soit, on n’est pas ici éternellement, tout ce qu’on a, on va finir par le quitter.
Je dirais également à mes frères qui viennent aux Émirats de ne pas délaisser la science et c’est un conseil pour moi-même d’abord parce que c’est pas évident à faire. Et je pense qu’on peut être amené à ressentir la tentation du délaissement du fait qu’on soit dans un pays stable où tout se passe bien, où il n’y a pas beaucoup de fitna au niveau des femmes, où tu peux sortir à 23h etc. Et finalement ça peut t’affaiblir si tu es complaisant et que tu arrêtes de faire les efforts par rapport à l’apprentissage. La recherche de la science est obligatoire pour tous et il faut y mettre la même énergie que pour les démarches, le travail, etc.
Donc juste pour résumer : la sincérité et la préparation du foyer quant aux objectifs de cette hijrah parce qu’avoir un compte bancaire à 10 chiffres n’est pas une garantie. L’argent c’est important mais l’argent n’est pas un objectif mais une cause. Celui qui en fait une cause dans sa hijrah alors Allah va lui ouvrir des portes.
Merci akhi.